Ultime vote d'un texte ultra polémique: le Parlement a définitivement adopté jeudi la proposition de loi sur la "sécurité globale" et son article 24 réécrit mais pénalisant toujours la diffusion
malveillante de l'image des policiers. Les députés ont approuvé une dernière fois la proposition de loi par 75 voix contre 33, et 4 abstentions. Dans la majorité, six LREM, la MoDem et ancienne magistrate Laurence Vichnievsky ont voté contre. Trois "marcheurs" se sont abstenus. Objet d'une vive contestation de la part des défenseurs des libertés publiques, le texte doit passer sous les fourches caudines du Conseil Constitutionnel avant sa promulgation, comme le prévoit la gauche.
"L'article 24 a fait naître du bruit, de la fureur et de l'incompréhension", a relevé Gérald Darmanin, qui s'est dit cependant "heureux qu'il existe toujours". A l'appui de son propos, le ministre de l'Intérieur s'est indigné que les visages et les noms de policiers aient été affichés dans la nuit à Épinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) dans des immeubles "où on fait du deal", en guise de menace. La "divulgation de la vie personnelle (de ces agents) est une honte", a-t-il tonné. Honni à gauche, dénoncé par les organisations de journalistes mais largement soutenu par les syndicats policiers, l'article 24 a pour ambition de protéger les forces de l'ordre en opération en pénalisant la diffusion malveillante de leur image.
Dépassant les cercles militants, la contestation s'est exprimée dans la rue, parfois avec des violences, sur fond de débat sociétal autour d'une police accusée de multiplier les dérapages violents. La plus importante journée de mobilisation avait réuni fin novembre entre 133.000 et 500.000 personnes selon les sources. Le Sénat à majorité de droite a largement réécrit le "24" en créant dans le Code pénal un délit de "provocation à l'identification". Il n'est plus fait référence à la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Les parlementaires réunis en commission mixte paritaire ont également acté cette rédaction le 29 mars et rebaptisé ce texte LREM "Loi sécurité globale préservant les libertés".
"Comme la rédaction du Sénat nous allait bien, on a topé", a résumé le député LREM Jean-Michel Fauvergue, co-rédacteur avec sa collègue Alice Thourot. - "Parcours chaotique" - La coordination "Stop loi sécurité globale" réclame encore son retrait. Plusieurs de ses membres, dont les syndicats de journalistes SNJ et SNJ-CGT, la Ligue des droits de l'Homme, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France et Droit au logement ont annoncé le dépôt de contributions volontaires au Conseil constitutionnel dont ils espèrent une "censure large" du texte. Dans l'hémicycle, Ugo Bernalicis (LFI) a défendu sans succès une motion de rejet. Son collègue Alexis Corbière a critiqué "un texte d'insécurité globale car il jette de la suspicion sur la police" et empêche la "critique citoyenne".
Le PS a également voté contre. Inquiet du volet encadrant la sécurité privée, le communiste Stéphane Peu s'est alarmé d'une "ubérisation" de la sécurité au service des "riches". Ian Boucard (LR) a regretté que "l'hémisphère gauche" de la majorité ait limité la portée du texte à quelques mesures techniques "bienvenues" sans résoudre "les problèmes de fond". Toujours perplexe sur le "24", la Modem Isabelle Florennes a regretté "le parcours chaotique" du texte mais le groupe centriste a majoritairement donné son feu vert. Au-delà de l'emblématique article 24, la proposition de loi a pour objectif de mettre en musique le "continuum de sécurité" entre forces de l'ordre relevant de l'Etat, polices municipales renforcées et filière de la sécurité privée mieux structurée. Certaines ambitions sur ce dernier volet ont été rabotées. "Il y a des avancées majeures" mais "il a aussi fallu trouver des équilibres pour pouvoir respecter la liberté d'entreprendre", fait valoir Mme Thourot. Usage élargi des caméras piétons des policiers, des drones, du port d'armes pour les forces de l'ordre hors service ou encore création d'une police municipale à Paris: d'autres mesures continuent d'être matière à débat.AFP