La page Mediapro est tournée: la justice a validé mardi le retrait du diffuseur sino-espagnol, permettant à la Ligue (LFP) de récupérer les droits TV des Championnats de France de football en
vue de les réattribuer à un autre acteur, Canal+ faisant figure de favori.
Le tribunal de commerce de Nanterre a homologué un protocole d'accord négocié entre la Ligue de football professionnel et le groupe catalan à capitaux chinois, mettant fin à deux mois d'un conflit retentissant et aux lourdes conséquences financières pour les clubs, qui attendent désormais un repreneur solvable.
"La LFP se réjouit de cette première étape indispensable dans le traitement de ce dossier majeur pour l'avenir du football professionnel français", a réagi la Ligue de football professionnel dans un communiqué.
Mediapro a annoncé "prendre acte" de cette décision et confirme dans un communiqué que sa chaîne Téléfoot "continuera de diffuser les matchs et les programmes de Ligue 1 et de Ligue 2, jusqu'à la réattribution de ces droits à un autre diffuseur".
Une nouvelle période s'ouvre désormais pour la LFP et son président Vincent Labrune: il s'agit de revendre les droits de 80% de la Ligue 1 et de la Ligue 2 à d'autre diffuseurs, en tentant de limiter une décote de plusieurs centaines de millions d'euros annuels qui paraît inévitable.
Mediapro avait en effet acheté ces droits en 2018 pour plus de 800 millions d'euros annuels, mais n'a pas honoré ses versements depuis le mois d'octobre, soit 325 M EUR d'impayés. Seuls 64 millions ont été versés par le groupe sino-catalan en dédommagement, et 36 autres doivent encore l'être au premier semestre 2021.
Plusieurs sources proches des négociations ont confirmé que la Ligue, sans en passer par un nouvel appel d'offres, pouvait discuter de gré à gré avec les potentiels futurs candidats à la reprise des droits, parmi lesquels Canal+, partenaire "historique" du football français, qui apparaît comme le grand favori.
- Combien mettra Canal ? -
La chaîne cryptée, qui détient déjà deux matches de L1 par journée pour 330 millions d'euros par an via un accord avec la chaîne spécialisée beIN Sports, n'a rien laissé filtrer sur ses intentions.
Interrogée mardi après la validation par la justice du retrait de Mediapro, elle n'avait pas réagi en milieu de journée.
Mais depuis 2018 et l'appel d'offres du cycle 2020-2024, où Canal était sorti grand perdant après des dizaines d'années de partenariat avec le foot français, la chaîne du groupe Vivendi n'a cessé de marteler que la Ligue 1 ne valait pas 1,153 milliard d'euros, le prix initialement payé.
Ainsi, elle pourrait signer une belle revanche deux ans plus tard en récupérant les matches au rabais: pour l'intégralité de la Ligue 1, une offre potentielle à moins de 600 millions d'euros fixes par an, plus une centaine de millions en part variable, a été évoquée selon plusieurs sources.
Son alliance avec beIN Sports, l'autre chaîne active sur le marché des droits TV du sport, peut aussi être un atout en vue de se répartir les différents matches remis en jeu (match du dimanche soir, multiplex, Ligue 2).
- Une "trahison" -
Si la Ligue ne parvient pas à attirer d'autres acteurs (Amazon, la plate-forme de sport en streaming DAZN), les clubs, très dépendants des droits TV, peuvent donc s'attendre à plusieurs centaines de millions d'euros de décote. Ce qui risque de contraindre les plus fragiles d'entre eux à des baisses de salaires ou à des réductions d'effectif drastiques.
"Pour nous, c'est 65% du chiffre d'affaires qui disparaît. C'est grave, c'est une trahison", a regretté le président de l'Olympique de Marseille Jacques-Henri Eyraud sur France Bleu Provence mardi, évoquant "une catastrophe".
Le risque d'"écran noir", en revanche, semble limité: la Ligue a négocié avec Mediapro pour que sa chaîne Téléfoot, créée il y a seulement quatre mois, continue de diffuser les matches tant que les modalités de la future diffusion ne sont pas connues, et ce jusqu'au 31 janvier 2021.
Pour la cinquantaine de journalistes de la rédaction de Téléfoot, et pour tous les salariés de la chaîne, l'avenir est donc toujours plus incertain, même si Mediapro a tenu mardi à saluer "le travail extraordinaire effectué par l'ensemble des collaborateurs de la chaîne", dans un communiqué.
Reste la question des abonnements: selon un juriste de l'UFC Que Choisir, les abonnés pourront arrêter de payer les mensualités, notamment en mettant fin aux règlements bancaires, dès lors qu'ils constateront la fin de la diffusion du championnat. Le patron de Mediapro Jaume Roures avait indiqué en octobre que Téléfoot comptait 600.000 abonnés ayant souscrit aux différentes offres de la chaîne. AFP