Seule dans les zones les plus retirées et les plus effrayantes de la planète, Isabelle Joschke fait une course remarquable pour son premier Vendée Globe. Installée dans le Top 10, elle s'octroie
enfin des petits plaisirs après six semaines éprouvantes.
"Ce soir, c'est risotto aux moules rôties!": Isabelle Joschke (MACSF) surveille la cuisson de son riz tout en discutant. Dehors, il fait nuit noire, quelque part dans les terribles Cinquantièmes Hurlants.
"Je trouve ça incroyable de voir combien ça me faisait peur de traverser ces mers du sud - ça me faisait frissonner rien que d'y penser - et maintenant que j'y suis, le plaisir que j'ai. De la Nouvelle-Zélande au cap Horn, je vais traverser le bout du bout du monde, c'est à dire le point Nemo, cet endroit le plus éloigné de toute terre, j'y vais et je m'en réjouis", confie à l'AFP la navigatrice franco-allemande.
"Et je trouve ça magique, je vois que mes peurs se sont calmées ou en tout cas j'ai réussi à les transformer. Aujourd'hui je me sens parfaitement à la hauteur du challenge. Plus ça va, plus je me suis installée dans cette course, plus j'en prends la mesure, plus je m'y sens à ma place", poursuit la skipper, classée huitième mercredi (sur 27 encore en course).
- Miroir grossissant -
Les premières semaines n'ont pourtant pas été simples. Partie à l'arrière de la flotte, elle était convaincue que sa course était d'ores et déjà pliée. L'Atlantique a ensuite été d'une grande rudesse, entre conditions violentes et multiples réparations sur son bateau, un Imoca de 2007 remis au goût du jour avec des foils (appendices permettant de faire voler le bateau).
Mais cette diplômée d'une maîtrise en lettres classiques, marin professionnel depuis 18 ans, s'est accrochée, a bataillé sans relâche pour revenir dans le jeu.
"Une course comme ça ne fait que révéler qui on est. L'Atlantique a révélé des qualités et ça m'a aussi mise en face de mes défauts, des choses pas forcément faciles à voir en soi. C'est le miroir grossissant", relève cette femme de 43 ans, dont le père est allemand et la mère originaire du sud de la France.
Epuisée, elle a décidé depuis quelques jours de prendre du temps pour se "requinquer", en concoctant des petits plats "super bons" qu'elle crée comme à terre: le "risotto du Pacifique" ou encore une crème dessert, "la crème Leeuwin (en référence au cap Leeuwin, qu'elle a franchi le 14 décembre).
- Un vélo à bord -
La route est encore longue - elle n'a parcouru que la moitié du tour du monde - et ce petit gabarit de 53 kg maniant un bateau de neuf tonnes, veut avoir les ressources nécessaires "pour faire face à tout ce qu'il va advenir encore".
Rigoureuse de nature, elle ne laisse rien au hasard. Elle a même fait installer un "vélo couché" dont les pédales sont sur la colonne de winch (treuil avec manivelle pour le réglage des voiles). "En bateau, on n'utilise pas nos jambes dans l'effort, les jambes s’atrophient sur une durée aussi longue, l'idée est de garder des jambes assez costaudes. C'est des réserves d'énergie".
Isabelle Joschke veut mener à terme, et dans le Top 10, le projet performant qu'elle porte depuis quatre ans, sous la direction d'Alain Gautier, vainqueur du Vendée Globe 1992/1993.
Et cela passe maintenant par le cap le plus emblématique du tour du monde en solitaire: le cap Horn.
"Je suis partie un peu pour ça, en me disant: j'y vais pour voir les mers du sud et le cap Horn. Si je ne vois pas tout ça, je serai vraiment déçue. Je n'y suis pas encore mais si je le passe, il y aura en moi le sentiment d'avoir accompli quelque chose. C'est vraiment important. Et c'est un endroit qui me fait envie, qui m'attire, que j'aimerais visiter par ailleurs. Ce n'est pas juste l'idée de le passer", confie Joschke, qui devrait vivre ce moment autour du 5 janvier. AFP