Laïcité/islamisme, immigration, sécurité Marine Le Pen et Gérald Darmanin s'affrontent jeudi soir sur France 2 dans un débat vu comme un galop d'essai avant la présidentielle de 2022, sur des
sujets régaliens qu'ils connaissent bien et pourraient être au centre du scrutin.
En quête de crédibilité après son débat raté face à Emmanuel Macron en 2017, la candidate du RN apportera pendant 45 minutes la réplique à un ministre de l'Intérieur poids lourd de la majorité, qui se voit reprocher d'aller sur le terrain du RN.
Marine Le Pen, donnée au second tour face à Emmanuel Macron en 2022 selon les sondages, a affûté ses arguments avec les hauts fonctionnaires du mystérieux groupe des Horaces, son numéro deux Jordan Bardella, ou encore l'eurodéputé Jean-Paul Garraud, principal auteur de sa contre-proposition sur le séparatisme.
Elle avait refusé de débattre en septembre dernier avec le Premier ministre Jean Castex, relégué par un proche au rang de "dir' cab'" d'Emmanuel Macron, trop technique à ses yeux.
Dans l'entourage du ministre de l'Intérieur, voué à jouer le rôle à distance d'Emmanuel Macron, on souligne qu'il se prépare en étant "à fond dans ses missions" qui "touchent aux sujets du débat", que ce soit pour défendre le projet de loi sur le séparatisme en discussion à l'Assemblée, ou pour animer le "Beauvau de la sécurité", concertation inédite sur la police.
- "Petit texte" -
Le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal attend de ce débat "un moment de vérité". "On entend beaucoup le Rassemblement national donner des leçons", mais ses élus "ne sont jamais au rendez-vous pour voter" les textes, a-t-il souligné mercredi, un angle d'attaque repris par de nombreux responsables de la majorité.
Ce face-à-face est un test pour la candidate de l'extrême droite, qui admet avoir été "trop offensive" dans son débat raté de 2017.
Marine Le Pen vient cette fois avec une contre-proposition de loi ciblant les "idéologies islamistes" qui sont à ses yeux "partout" et qu'elle entend bannir de toutes les sphères de la société, à commencer par le voile.
Elle ne manquera pas de souligner le "décalage" entre les constats de l'exécutif, qu'elle partage, et le "petit texte de police administrative" présenté par Gérald Darmanin, dit à l'AFP son conseiller Philippe Olivier.
La cheffe du RN reproche au gouvernement de ne pas "désigner l'ennemi" et assume la "brutalité" de ses propositions, considérant qu'il faut lutter contre l'islamisme, "idéologie totalitaire", "de la même manière" que contre le nazisme.
Et peu importe si son texte est jugé inapplicable "dans le système actuel, puisque Marine Le Pen propose de changer de système", note le spécialiste de l'extrême droite Jean-Yves Camus.
Dans l'hebdomadaire conservateur Valeurs Actuelles paru jeudi, Gérald Darmanin défend un projet de loi qui garantit, "par la laïcité, la liberté religieuse de chacun", alors que sa majorité est tiraillée entre les tenants d'une "laïcité de combat" et ceux qui ne veulent pas stigmatiser l'islam.
Plus généralement le ministre entend faire valoir que "des réponses républicaines fortes peuvent être apportées" sur le régalien "sans pour autant faire fi de l'Etat de droit comme le propose Marine Le Pen".
- "Séparatisme social" -
Marine Le Pen ne manquera pas de l'attaquer sur l'immigration qui, pour elle, "est le terreau du communautarisme, lui-même terreau du fondamentalisme islamiste", même si elle ne veut plus suspendre les accords de Schengen sur la libre circulation des personnes.
A l'inverse, Gérald Darmanin refuse d'établir un "lien direct" entre immigration et islamisme, étant donné que "les trois quarts" des auteurs des attentats en France sont français, tout en mettant l'accent sur un durcissement de sa politique migratoire.
Mais l'ancien maire de Tourcoing (Nord) se défend de marcher sur les plates-bandes de l'extrême droite. "Toute sa vie politique a été construite dans le combat au Front national" (devenu RN), insiste son entourage.
La cheffe du RN, qui était jugée mercredi pour avoir diffusé des photos d'exactions du groupe Etat islamique, ne s'en prendra pas au ministre sur le plan personnel, alors que M. Darmanin est visé par une enquête pour "viol".
Invité au même moment sur C8, l'Insoumis Jean-Luc Mélenchon affirme dans Libération qu'il veut parler, lui, de "ce qui compte davantage" à ses yeux, le social et l'écologie, et du "vrai séparatisme social des riches".