La lutte contre le nouveau coronavirus constitue "le plus grand défi" qu'ait connu l'Allemagne depuis 1945, a estimé mercredi Angela Merkel, dans un discours sonnant comme un dernier
avertissement avant de décréter le confinement de la population.
"Depuis la Réunification allemande, non, depuis la Deuxième Guerre mondiale, il n'y a pas eu de défi pour notre pays qui dépende autant de notre solidarité commune", a déclaré la chancelière dans un discours à la Nation retransmis à la télévision.
Signe de l'importance symbolique de l'intervention, il s'agit pour Mme Merkel, peu friande des grandes envolées aux accents dramatiques, d'une première sous ce format depuis son arrivée au pouvoir en 2005, au-delà des voeux télévisés traditionnels de fin d'année.
Même au cours de la crise de l'euro ou de la crise financière de 2008 et 2009, la chancelière n'était pas allée s'exprimer devant les caméras pour un discours solennel à la Nation.
"Je crois fermement que nous réussirons dans cette tâche si tous les citoyens la considèrent vraiment comme leur tâche", a martelé Mme Merkel, appelant au respect des règles de distanciation et réduction de la vie sociale à son minimum en Allemagne.
- Indiscipline -
Son discours a résonné comme un dernier appel à la population à se discipliner, avant de recourir, comme en France, Italie ou Espagne, au confinement forcé.
Les autorités sont préoccupées de voir de nombreux Allemands, jeunes surtout, prendre des libertés avec les consignes officielles visant à réduire au strict minimum les contacts sociaux face à la propagation de l'épidémie. Les parcs des grandes villes, avec le retour du soleil, sont notamment très fréquentés.
"Je constate avec surprise et indignation que certains n'ont pas encore compris à quel point la situation était grave", a ainsi critiqué la présidente d'une des principales organisations de médecins, la Fédération Marburg, Susane Johna, dans le groupe de presse régional Funke.
"Je ne peux qu'appeler tout le monde à se comporter de manière raisonnable, pour ne pas avoir à prendre des mesures plus drastiques", lui a fait écho un des responsables du parti social-démocrate, membre de la coalition gouvernementale de la chancelière, Lars Klingbeil.
La chaîne de télévision NTV a elle parlé d'un "dernier avertissement" d'Angela Merkel.
Cette dernière a souligné dans son discours la gravité de la pandémie. "Pour quelqu'un comme moi pour qui la liberté de voyager et de circulation a été un droit durement acquis, de telles restrictions ne peuvent être justifiées que par une nécessité absolue", a expliqué Mme Merkel, qui a grandi dans l'ancienne Allemagne de l'Est communiste.
"Dans une démocratie, elles ne devraient jamais être décidées à la légère et seulement de façon provisoire. Mais elles sont en ce moment indispensables pour sauver des vies", a fait valoir la dirigeante.
L'Allemagne a notamment mis en place des contrôles très stricts à ses frontières terrestre avec la France, l'Autriche, le Luxembourg, le Danemark et la Suisse, n'autorisant que le passage des poids lourds pour l'approvisionnement et des travailleurs transfrontaliers.
- Contrôles renforcés -
Le ministère de l'Intérieur a annoncé mercredi soir étendre ces restrictions, avec effet immédiat, au trafic aérien et maritime.
Ceux qui doivent "voyager pour des raisons d'urgence ou les travailleurs transfrontaliers" devront montrer un document justifiant leur entrée dans le pays, a prévenu le ministère dans un communiqué.
Enfin, Mme Merkel a dénoncé les achats massifs de certaines denrées dans les supermarchés.
"Le stockage a un sens (...) Mais avec modération. Accumuler comme s'il n'y allait bientôt plus rien avoir est inutile et manque complètement de solidarité", a-t-elle fait valoir.
L'épidémie a fait entre 12 et 16 morts en Allemagne jusqu'ici selon les comptages différents de l'institut Robert Koch et des Etats régionaux. AFP, photo- World Economic Forum, Wikimedia.