67 millions de Français sont entrés mardi à midi dans un confinement totalement inédit dans l'histoire du pays pour faire face à l’épidémie de coronavirus contre
laquelle le président Emmanuel Macron a décrété "la guerre".
Pendant au moins deux semaines, l'ensemble de la population est ainsi appelée à rester chez elle sous peine d'amendes, à quelques rares exception près, personnels de santé ou forces de l'ordre notamment.
La France bascule ainsi dans une ère totalement nouvelle, après que le président Macron a martelé à plusieurs reprises que "nous sommes en guerre" contre l'épidémie, en annonçant lundi soir ces mesures drastiques lors d'une intervention suivie à la télévision par plus de 35 millions de personnes, un record absolu.
Après des scènes de "panique" relevées par le chef de l’État ces derniers jours, des supermarchés pris d'assaut alors qu'enflait la rumeur de mesures de confinement semblables à celles des pays déjà touchés par l'épidémie de Covid-19, un calme étrange s'est abattu mardi sur le pays, rues quasi désertes et files d'attente disciplinées - et respectant les distances de sécurité - devant les magasins encore ouverts.
De nombreuses personnes ont quitté ces dernières heures les grandes villes pour les campagnes et le gouvernement a annoncé que le fréquence des trains allait encore baisser. Même le sanctuaire de Lourdes va fermer, "pour la première fois de son histoire".
"C'est la chienlit", se désolait un mareyeur sur un marché de Caen, son étal presque vide. "Et ça ne vas pas aller en s'améliorant. Un bateau m'a appelé ce matin pour me dire qu'il ne sortait plus. Et puis on n'est pas sûrs que les marchés continuent à être autorisés".
Et à la frontière avec l'Espagne, fermée depuis lundi par Madrid, la Guardia civil et la police des frontières renvoyaient tous les véhicules à plaques françaises tentant de passer.
Avec 1.210 nouvelles contaminations et 21 décès en 24 heures, le bilan officiel en France a atteint les 148 morts et 6.633 cas depuis le début de l'épidémie, selon le dernier bilan lundi soir. Sachant qu'il y avait dimanche soir environ 400 patients en état grave, et que le chiffre officiel des malades ne prend pas en compte ceux qui ne présentent pas de symptômes aigus.
- "Restez chez vous !" -
Face à la propagation exponentielle du coronavirus et un sens de la discipline pas toujours au rendez-vous chez les Français, "le mot d'ordre est clair: restez chez vous !", a exigé le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner.
Concrètement, toutes les personnes qui circuleront devront être "en mesure de justifier leur déplacement", au risque de se voir infliger une amende jusqu'à 135 euros.
Les déplacements tolérés sont ceux entre domicile et travail quand c'est absolument nécessaire, pour aller faire ses courses, pour raisons de santé, ou encore pour "motif familial impérieux ou l'assistance de personnes vulnérables", a détaillé M. Castaner.
Ces consignes ont été rappelées dans un message du gouvernement diffusé par SMS.
"On est partis sur au moins deux semaines de confinement collectif, on sait que c'est une période qui est nécessaire pour bloquer la circulation du virus", et "si dans 15 jours nous voyons que la situation s'est suffisamment apaisée et que nous pouvons lever tout ou partie des mesures de confinement, nous le ferons", a affirmé le ministre de la Santé Olivier Véran.
Sur le plan sanitaire, la situation est "très tendue" dans certaines régions comme le Grand Est, a reconnu M. Véran, d'où des mesures comme le déploiement d'un hôpital de secours par l'Armée en Alsace ou l'envoi d'hélicoptères pour transférer certains malades vers d'autres sites afin de décharger les hôpitaux qui sont au bord de la saturation.
Un syndicat de médecins à la retraite, le SN-MCR, a par ailleurs appelé ses membres à reprendre du service.
- Récession attendue -
Compte tenu de cet état de "guerre", toutes les réformes, notamment celle des retraites, sont "suspendues".
Et face à la récession de l'économie qui se profile, le gouvernement va desserrer les cordons de la bourse. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, qui a dit s'attendre à une chute de 1% du PIB cette année, a ainsi annoncé que le gouvernement allait mobiliser de manière "immédiate" 45 milliards d'euros pour soutenir les entreprises et les salariés, notamment via le report du paiement de toutes les charges fiscales et sociales dues par les entreprises.
Un fonds de solidarité de 1 milliard d'euros minimum va en outre être institué pour aider les petites entreprises. Et le gouvernement n'exclut pas de recourir à des nationalisations "si nécessaire".
Pour éviter une multiplication des faillites, l’État va se porter garant des prêts accordés aux entreprises à hauteur de 300 milliards d'euros. Les loyers et les factures d'eau, de gaz et d'électricité "devront être suspendus" pour les plus petites entreprises qui rencontrent "des difficultés", a également annoncé le président.
Après le train de mesures pour relancer l'économie, la Bourse de Paris a ouvert en hausse de 3,93%, avant de se replier.
Le second tour des élections municipales va quant à lui être reporté, après un premier tour dimanche marqué par une abstention record. Le Premier ministre Édouard Philippe a proposé la date du 21 juin. Ce report ne concernera pas les maires élus dès le 1er tour dans 30.000 des 35.000 communes de France.AFP, photo-OFFICIAL LEWEB PHOTOS, Wikimedia.