"Tolérance zéro", contrôles renforcés et interdiction de la méthode d'interpellation dite "de l'étranglement": après plusieurs manifestations contre le racisme et les violences policières en échos
aux Etats-Unis, Christophe Castaner a annoncé lundi des mesures pour améliorer la déontologie des forces de l'ordre.
Le président Emmanuel Macron, qui ne s'est jusqu'ici pas exprimé sur la mort de George Floyd aux Etats-Unis, à l'origine d'un mouvement de protestation mondial, avait demandé au gouvernement "d'accélérer" dans ce dossier.
"8 minutes 46 secondes. C'est la durée pendant laquelle, George Floyd est resté à terre, le genou d'un policier contre son cou. C'est la durée de l'agonie, de la honte, de la haine. C'est le temps qu'il a fallu pour asphyxier l'honneur", a déclaré le ministre de l'Intérieur lors d'une conférence de presse.
Depuis, "partout, des femmes et des hommes, souvent jeunes, se sont rassemblés pour pousser un puissant cri contre le racisme, contre la haine, contre les discriminations", a-t-il ajouté.
"Ce cri, je l'entends", a dit le ministre à la veille d'une nouvelle journée de mobilisation au moment où auront lieu ses obsèques à Houston (Texas), rappelant toutefois que "la France, ce n'est pas les Etats-Unis".
Plusieurs manifestations dénonçant des "violences policières" et le "racisme" se sont déroulées depuis le déconfinement, celles de samedi rassemblant 23.000 participants en France, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur.
"Aucun raciste ne peut porter dignement l'uniforme de policier ou de gendarme (...) Aussi, j'ai demandé à ce qu'une suspension soit systématiquement envisagée pour chaque soupçon avéré d'actes ou de propos racistes", a déclaré Christophe Castaner.
Il a aussi annoncé l'abandon de la méthode d'interpellation policière controversée de la "prise par le cou, dite de l'étranglement".
"Elle ne sera plus enseignée dans les écoles de police et de gendarmerie. C'est une méthode qui comportait des dangers", a ajouté le ministre.
"Par ailleurs, si un policier ou un gendarme doit maintenir quelqu'un au sol lors de son interpellation, il sera désormais interdit de s'appuyer sur sa nuque ou son cou", a-t-il dit.
- Les syndicats "dubitatifs" -
Une mission avait été créée à la suite de la mort de Cédric Chouviat en janvier lors de son interpellation à Paris. "La police française n'est pas la police américaine", a dit Christophe Castaner "mais des questions légitime se posaient".
Il a aussi annoncé une réforme "en profondeur des inspections du ministère de l'Intérieur" - l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), son homologue de la gendarmerie (IGGN) et l'inspection générale de l'administration (IGA) - pour "plus d'indépendance".
Ces annonces ont laissé "dubitatifs" les syndicats de police et notamment l'interdiction de la "technique d'étranglement", "la seule technique qui permette de maîtriser un individu dont le poids est supérieur", selon Frédéric Lagache du syndicat Alliance, qui craint en être "réduit au combat de rue ou à l'utilisation du taser".
Yves Lefebvre du syndicat Unité-SGP-Police a "l'impression qu'on se sert (des policiers) comme une variable face à l'opinion publique".
"Il y a les annonces politiques et le réalité du terrain. On dirait que l'on vit dans un monde de bisounours où tout le monde est gentil sauf les policiers qui sont méchants", raille son homologue de l'Unsa-Police Philippe Capon.
Du côté politique, Bruno Retailleau, président des sénateurs LR, a jugé sur twitter qu'"en inventant le concept de +soupçon avéré de racisme+, Christophe Castaner crée de fait une présomption de culpabilité pour les policiers. C'est une lâcheté sémantique et politique de la part du ministre de l'Intérieur qui devrait défendre ses troupes!".
La présidente du Rassemblement national Marine Le Pen a estimé aussi sur Twitter que "policiers et gendarmes pourront être suspendus sur la base du +soupçon+ de +racisme+: Castaner les met à la merci des pires diffamations. C'est l'ère du soupçon et la présomption de culpabilité pour nos forces de l'ordre! Ceci n'a plus rien à voir avec la loi!".
"Marine Le Pen raconte comme d'habitude n'importe quoi", a répondu sur BFMTV le secrétaire d'Etat à l'Intérieur Laurent Nuñez. "Quand on décide d'appliquer une suspension administrative il y a une procédure (...), la suspension est décidée sur des faits précis, il n'y a pas une suspicion", a-t-il assuré.
Depuis le début du mouvement des "gilets jaunes" en novembre 2018 et son cortège de manifestants blessés, les violences policières sont une épine dans le pied du gouvernement qui refuse systématiquement d'utiliser ce terme.
Et la mort de George Floyd aux Etats-Unis a remis cette question brûlante au cœur du débat en France.AFP, photo- Toufik-de-Planoise, wikimedia.