Avec une abstention record estimée entre 53,5% et 56%, les Français ont déserté les bureaux de vote dimanche lors du 1er tour d'élections municipales hors du commun, organisées tant bien
que mal dans un pays mis à l'arrêt par la pandémie de coronavirus.
Parmi les quelque 47,7 millions d'électeurs appelés à élire leur maire, seulement moins de la moitié aura au final glissé un bulletin dans l'urne, dans une ambiance générale surréaliste après que le gouvernement a décrété samedi soir la fermeture de tous les "lieux recevant du public non indispensables à la vie du pays".
Un chiffre historique pour un scrutin généralement mobilisateur chez les Français, en dépit d'une lente érosion d'un mandat à l'autre: en 2014, l'abstention avait été de 36,45% au 1er tour, 33,46% en 2008 et 32,6% en 2001. Une forte interrogation pèse désormais sur la tenue du second tour, dimanche prochain, dans un pays où l'épidémie (91 morts samedi soir) n'en est qu'à ses débuts, selon tous les spécialistes.
Alors que les résultats des grandes villes (Paris, Lyon, Marseille...) qui concentrent les enjeux politiques sont attendus plus tard dans la soirée, les regards sont tournés vers Le Havre, fief d'Edouard Philippe, où celui-ci est selon une estimation mis en ballottage avec 43% des voix par le communiste Jean-Paul Lecoq (34%).
Le Premier ministre, qui avait été élu au 1er tour en 2014, est sous la menace d'une large coalition face à lui: son adversaire parviendra-t-il à capitaliser sur le vote sanction pour attirer les voix de l'écologiste Alexis Deck (9%) et du candidat du Rassemblement national Frédéric Groussard (8%), qui devraient ne pas pouvoir postuler au deuxième tour ? Battu, sa position à Matignon deviendrait en tout cas intenable.
- "Important de voter" -
Plus largement, M. Philippe est soumis à une intense pression après avoir choisi de maintenir ce premier tour malgré le contexte sanitaire qui n'épargne pas la classe politique, à l'image du président des Républicains Christian Jacob, testé positif au coronavirus dimanche.
Une décision contestée samedi soir par plusieurs grands élus, alors qu'une incertitude plane aussi sur la tenue du second tour au vu de la propagation de l'épidémie. Selon le constitutionnaliste Didier Maus, interrogé par l'AFP, un report du second tour conduirait à annuler le résultat du premier tour, et obligerait les électeurs à revoter pour les deux tours
Le président Emmanuel Macron a souligné dimanche qu'il était "important de voter dans ces moments-là", après s'être rendu dans l'isoloir avec son épouse Brigitte au Touquet.
Face à la crise, le gouvernement avait préconisé de voter de préférence avec un bulletin reçu par courrier, d'émarger avec son propre stylo - bleu ou noir -, et de privilégier les horaires de moindre affluence, entre 9H00 et 11H00 et de 13H00 à 16H00.
Le ministère de l'Intérieur a indiqué que tous les bureaux de vote du territoire avaient pu ouvrir, au prix d'un respect scrupuleux des consignes de distanciation et de priorisation des personnes âgées et fragiles, et en dépit de difficultés dans nombre d'endroits.
Dans ce contexte inédit, l'attention portée aux premiers résultats est diluée. Pourtant, le scrutin est crucial pour Les Républicains, arrivé largement en tête en 2014 après avoir raflé près de 50 villes de plus de 50.000 habitants, mais comme le Parti socialiste mis en déroute par l'émergence d'En Marche ou encore la poussée écologiste aux dernières élections nationales.
Les deux formations espèrent donc préserver leur réseau d'élus locaux alors que la tendance lourde devrait donner une prime aux sortants.
Ainsi à Limoges, qui a basculé à droite en 2014, le maire Emile-Roger Lombertie était en bonne position pour poursuivre à l'Hôtel de ville avec une estimation à 46,5% au 1er tour.
- Le RN en tête à Perpignan -
Le fait marquant est pour l'heure à mettre au crédit du Rassemblement national qui semble bien parti pour conquérir Perpignan, puisque le candidat Louis Aliot était en tête à 36%. Le RN compte aussi conserver certaines mairies pour en faire des places fortes, comme Fréjus ou Hénin-Beaumont.
A Besançon, la candidate EELV Anne Vignot, à la tête d'une union de la gauche, était en pôle selon les premières estimations (31% environ), alors que les écologistes comptent profiter de la prise de conscience de l'urgence climatique pour enfin s'implanter dans d'autres grandes villes que Grenoble.
Parmi les dix membres du gouvernement impliqués dans ces élections, le ministre de l'Action et des Comptes publics Gérald Darmanin, tête de liste, à Tourcoing (Nord) avait de très bonnes chances d'être élu dès le 1er tour. A Vernon (Eure), le ministre des Collectivités Sébastien Lecornu, en 3e position sur la liste, n'aura lieu aussi pas besoin de deuxième tour.
Mais ces succès ne devraient pas masquer les difficultés de La République en marche qui ne nourrissait plus que des ambitions modérées dans un scrutin où l'ancienneté de l'implantation est essentielle.
La barre relativement basse (10% des suffrages exprimés au 1er tour), au-dessus de laquelle une liste peut se maintenir, devrait se traduire par une multiplication des triangulaires, voire des quadrangulaires, au second tour.
A l'issue du vote dimanche, les candidats autorisés à se maintenir auront jusqu'à mardi 18H00 pour trouver des alliés ou fusionner leurs listes en vue du second tour. S'il a lieu.afp, photo -Xfigpower, Wikimedia.