Plusieurs centaines de migrants, en errance depuis l'évacuation d'un important camp d'exilés la semaine dernière, ont monté lundi un nouveau campement dans le centre de Paris, que les
forces de l'ordre ont démantelé sans ménagement dans la soirée en faisant notamment usage de gaz lacrymogène.
"On est là pour montrer qu'on n'a nulle part où aller. On ne veut pas vivre comme des animaux, on est juste venus demander l'asile", se désole Murtaza, un Afghan de 20 ans.
En moins de deux minutes, environ 500 tentes bleues se sont déployées sous la statue de la République, vite investie par des centaines d'exilés, pour l'écrasante majorité originaires d'Afghanistan.
"On a peur qu'ils soient évacués sans solution, comme ce qui s'est passé mardi dernier" à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), lors du démantèlement d'un important campement informel qui s'était constitué depuis l'été près du Stade de France, a expliqué Maël de Marcellus, responsable parisien de l'association Utopia56.
"Ils ont été laissés sur le carreau et invisibilisés, mais eux aussi ont besoin d'un hébergement, surtout en pleine crise sanitaire", a-t-il ajouté.
A peine une heure après l'installation, les forces de l'ordre ont commencé à enlever une partie des tentes, parfois avec des exilés encore à l'intérieur, sous les cris et huées de militants et de migrants.
Shahbuddin, Afghan de 34 ans, revisse un bonnet gris sur son crâne et sanglote après avoir été sorti de sa tente: "C'est trop violent, on veut juste un toit".
Et c'est finalement sous les tirs de gaz lacrymogène et de grenades de désencerclement que quelques centaines d'exilés et leurs soutiens ont finalement été dispersés par les forces de l'ordre dans les rues de l'hypercentre de Paris.
"L'Etat donne de lui-même un spectacle lamentable" en apportant "une réponse policière à une situation sociale", a commenté auprès de l'AFP Ian Brossat, adjoint de la mairie de Paris en charge notamment de l'accueil des réfugiés.
Plus tard dans la nuit, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a évoqué, sur Twitter, des images "choquantes". "Je viens de demander un rapport circonstancié sur la réalité des faits au Préfet de police d'ici demain midi. Je prendrai des décisions dès sa réception", a-t-il ajouté.
- Matraque -
"La constitution de tels campements, organisée par certaines associations, n'est pas acceptable. La préfecture de Police a donc procédé immédiatement à la dispersion de cette occupation illicite de l'espace public", ont indiqué dans un communiqué conjoint la Préfecture de police et celle de la région Ile-de-France (Prif), qui gère les opérations de mise à l'abri.
"Toutes les personnes en besoin d'hébergement sont invitées à se présenter dans les accueils de jour où des orientations vers des solutions d'hébergement adaptées à leur situation sont proposées très régulièrement aux migrants", ont-elles ajouté.
"On ne répond pas à la misère par la matraque. La mise à l'abri des migrants du campement de Saint-Denis restés à la rue est urgente, indispensable, indiscutable. Il en va de l'honneur de la République française", a réagi Delphine Rouilleault, directrice générale de France terre d'asile, association et opérateur de l'Etat sur la gestion des campements.
"La seule réponse des autorités, c'est la force. Et la force, en période de crise sanitaire, ce n'est pas acceptable", ajoute Corinne Torre, responsable de Médecins sans frontière en France, réclamant elle aussi un hébergement.
- Tolérance zéro -
Plus de 3.000 personnes, principalement des hommes afghans, avaient bénéficié d'une mise à l'abri dans des centres d'accueil ou des gymnases en Ile-de-France mardi dernier.
Mais entre 500 et 1.000 personnes se trouvaient depuis en errance dans les rues en lisière de Paris, selon les associations qui leur viennent en aide et qui dénoncent notamment des abus policiers.
Les forces de l'ordre, elles, appliquent le principe de "zéro tolérance" pour les campements de migrants dans la capitale, institué par le préfet de police de Paris Didier Lallement, en début d'année.
Depuis, beaucoup ont reculé vers la Seine-Saint-Denis.