A dix jours de briguer sa succession à la tête de la fédération française de rugby (FFR) Bernard Laporte a été placé en garde à vue mardi matin à Paris, dans l'enquête sur ses liens avec
le groupe Altrad.
Le patron du groupe, Mohed Altrad, propriétaire du club de Montpellier et sponsor des Bleus, a également été placé en garde à vue par la police financière, tout comme le patron du Mondial-2023 Claude Atcher, et deux hauts responsables de la Fédération, Serge Simon et Nicolas Hourquet.
Laporte est notamment soupçonné d'avoir favorisé le Montpellier Hérault Racing (MHR), en intervenant auprès de la commission d'appel de la FFR pour faire diminuer des sanctions contre le club, fin juin 2017.
Le patron du rugby français, 56 ans, est arrivé mardi matin dans les locaux de la Brigade de répression de la délinquance économique (BRDE) à qui le parquet national financier (PNF) avait confié les investigations en 2017, ont indiqué des sources concordantes à l'AFP. Le vice-président de la FFR, Serge Simon, s'est aussi présenté à la BRDE mardi matin, a constaté une journaliste de l'AFP.
Laporte, ancien sélectionneur des Bleus (2000-2007), devenu ensuite secrétaire d'Etat chargé des Sports de Nicolas Sarkozy (2007-2009), s'est toujours défendu de toute intervention en faveur de Montpellier, même s'il a reconnu avoir téléphoné au président de la commission, Jean-Daniel Simonet.
Des inspecteurs généraux du ministère des Sports ont également établi dans un rapport transmis à la justice que les décisions de la commission ont été "modifiées", entre les 29 et 30 juin 2017. Dans un premier temps, la commission d'appel aurait décidé de confirmer les sanctions prononcées par la Ligue (LNR), soit 70.000 euros d'amende et un match à huis clos, avant de passer à 20.000 euros d'amende et un sursis sur le match à huis clos. Le dossier portait sur le déploiement de banderoles hostiles à la Ligue par les supporteurs du MHR.
- France 2023 -
Trois mois plus tôt, le groupe Altrad, spécialisé dans les matériels de bâtiment, était devenu le premier sponsor maillot du XV de France, avant de soutenir la candidature française, finalement victorieuse, pour l'organisation de la Coupe du monde 2023.
En révélant l'affaire en août 2017, le JDD avait aussi mis au jour l'existence d'un contrat entre BL Communication, une société dirigée par Bernard Laporte, et Altrad Investment Authority, pour un montant de 150.000 euros. Sous la pression, l'ancien manager de Toulon y avait renoncé.
Les policiers ont déjà entendu plusieurs protagonistes en 2019, notamment les trois membres de la commission d'appel de la FFR qui devaient juger le dossier le 29 juin 2017.
Sur fond de vives tensions entre la Ligue de rugby et la Fédération, l'affaire avait gâché le début de mandat de Bernard Laporte, élu le 3 décembre 2016. Elle risque maintenant de gêner la dernière ligne droite de sa campagne auprès des clubs, chargés de le départager face à son principal opposant, Florian Grill.
Lundi, l'avocat de Laporte, Me Jean-Pierre Versini-Campinchi, a dénoncé le "timing" de cette convocation, une "ingérence judiciaire" dans le processus électoral selon lui.
- "intérêt supérieur" -
Dans une interview au Parisien, Bernard Laporte avait assuré qu'en appelant Simonet, il avait simplement souhaité lui "donner un éclairage politique" sur les tensions dans le rugby et qu'il fallait apaiser la situation au sein du rugby professionnel.
Jean-Daniel Simonet, lui, a assuré aux inspecteurs du ministère des Sports que sa commission n'en était qu'au stade d'une "hypothèse" de décision le 29, d'après lui trop sévère.
Interrogé par le tribunal lors d'un procès en diffamation perdu par le patron de la FFR contre L'Equipe, le 9 mai 2019, Philippe Peyramaure, un des membres de la commission d'appel, avait livré un témoignage beaucoup moins consensuel.
D'après lui, Simonet l'avait appelé au matin du 30 juin pour lui raconter le coup de fil d'un Bernard Laporte "pas content", qui lui "avait dit, de manière plutôt brutale, qu'Altrad était un sponsor important de l'équipe de France (premier sponsor maillot), un soutien important pour la candidature" victorieuse de la France à l'organisation du Mondial-2023 "et qu'il fallait supprimer ces sanctions". "C'est l'intérêt supérieur du rugby", aurait ajouté Jean-Daniel Simonet, selon cette version. afp