Le gouvernement français a installé mardi et pour trois mois des "états généraux de la laïcité", avec pour objectifs de toucher la jeunesse et d'avoir un débat serein sur ce sujet "inflammable",
mais à peine annoncés, ils étaient déjà largement critiqués comme un coup médiatique. "Le principe de laïcité doit être réaffirmé", a dit la ministre déléguée à la Citoyenneté Marlène Schiappa, en lançant l'événement au Conservatoire national des arts et métiers à Paris, en présence de six essayistes, universitaires ou philosophes. Ce "trésor inestimable", ce "ciment de la citoyenneté", "n'est en aucun cas une arme contre les religions", a-t-elle insisté, en concédant que "la discussion" sur ce sujet "est inflammable", alors qu'elle "devrait tous nous réunir" et que "différentes approches existent".
Ce principe, "pas seulement juridique, mais aussi philosophique et politique", fait aujourd'hui "l'objet de remises en cause" et "d'entorses", a-t-elle regretté, plaidant pour se donner "de nouveaux outils pour lutter contre les phénomènes d'entrisme, contre le prosélytisme abusif". Concrètement, la ministre a annoncé la tenue, jusqu'à l'été, de tables rondes et groupes de travail sur la liberté d'expression, la recherche, la jeunesse, l'intégration citoyenne, les droits des femmes.
Des "cartes blanches" seront aussi confiées à des associations, comme la Licra (Ligue internationale contre la racisme et l’antisémitisme), "pour faire vivre le débat". En outre, une "grande consultation" est lancée "auprès de 50.000 jeunes, invités à répondre à la question "comment faire vivre la laïcité au quotidien", à l'adresse laicite.make.org A la fin de l'été, les résultats seront restitués lors d'un "forum"; les initiatives et bonnes pratiques de terrain seront rendues publiques. A peine annoncés, ces états généraux étaient déjà sous le feu des critiques. "On ne fait pas un débat après une loi", avait dénoncé lundi l'eurodéputé écologiste (opposition) Yannick Jadot, en référence au projet de loi luttant contre le "séparatisme" adopté en première lecture la semaine dernière par le Sénat.
"Nous rassembler autour de la laïcité à la française. Sans blague! Ce pouvoir a un but: diffamer et diviser pour régner", a protesté mardi sur Twitter la sénatrice (écologiste) Esther Benbassa. Dès dimanche, le syndicat CFDT (gauche) avait demandé d'"arrêter de faire de la laïcité un objet d'agitation médiatique permanent" et Aurélien Taché, député ex-La République en Marche (majorité au pouvoir), avait vu dans ces Etats généraux "une opération de communication grotesque". Le président de la Licra, Mario Stasi, a au contraire souligné que si cela permet de "sortir avec des propositions concrètes dans le respect de la loi 1905", il n'y voyait "que des avantages".
La question de la laïcité et de la place des religions ne cesse d’agiter le débat politique et intellectuel en France. C'est la loi de 1905 qui en fixe les grands principes: la République assure la liberté de conscience mais ne reconnaît et ne finance aucun culte, deux piliers qui ont permis de trouver un équilibre sur la place des religions dans le pays dans un climat qui s'est apaisé au cours du siècle dernier. Le développement de l’islam en France est venu rouvrir le débat au cours des dernières décennies, notamment autour de la question du port du voile. La menace islamiste et plusieurs vagues d’attentats ont réveillé les passions.afp