Quatre jours après les faits, les enquêteurs tentent de reconstituer la chaîne complète des faits et complicités qui ont conduit au meurtre sauvage du professeur Samuel Paty, à qui de nouveaux
hommages seront rendus mardi à l'Assemblée nationale et autour de son collège des Yvelines.
Mardi en milieu de matinée, une quinzaine de personnes étaient toujours en garde à vue, dont quatre collégiens, pour comprendre comment l'assaillant, le Russe tchétchène de 18 ans Abdoullakh Anzorov, a pu retrouver et identifier facilement sa cible avant de la tuer près de son établissement de Conflans-Sainte-Honorine.
Selon une source proche du dossier, "un ou plusieurs collégiens" lui ont désigné le professeur d'histoire-géographie, a priori en échange d'argent.
L'entourage familial du tueur est également toujours interrogé par les policiers, ainsi que le père de l'élève qui a appelé à la mobilisation contre Samuel Paty et l'homme qui l'avait accompagné et soutenu, le sulfureux militant islamiste Abdelhakim Sefrioui.
Les deux hommes sont mis en cause pour avoir publié sur les réseaux sociaux des vidéos dénonçant et citant nominativement M. Paty car il avait organisé dans sa classe un débat sur les caricatures, montrant certaines de Mahomet. Ces vidéos auraient inspiré le tueur.
Mardi matin, Eric Dupond-Moretti a réfuté toute "faille" dans le suivi du meurtrier. "C'est une guerre insidieuse. Il y a le terrorisme organisé que suivent les services et il y a un jeune homme de 18 ans qui n'est pas dans les radars des services de renseignement et qui commet cet acte abominable au nom d'une religion dévoyée", a déclaré le garde des Sceaux sur France Inter.
La journée de mardi sera marquée par plusieurs hommages. A l'Assemblée nationale, les députées entonneront à 14h30 une Marseillaise après avoir observé une minute de silence. A 18H30, une marche blanche aura lieu à Conflans-Sainte-Honorine, alors que mercredi, un hommage national sera rendu à Samuel Paty dans la Cour de la Sorbonne en présence du chef de l'Etat Emmanuel Macron.
Le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer a précisé que Samuel Paty serait décoré de la Légion d'honneur à titre posthume et qu'une "séquence éducative" aurait lieu le 2 novembre, jour de la rentrée après les vacances de la Toussaint, dans tous les établissements "sans exception".
- "Non à l'obscurantisme" -
En dehors des hommages, le gouvernement multiplie les annonces et les initiatives. Mardi matin, la ministre déléguée à la citoyenneté, Marlène Schiappa, reçoit les patrons France des réseaux sociaux et des plateformes dans le cadre de la "lutte contre le cyber-islamisme" et plus généralement d'une mobilisation gouvernementale contre "la haine en ligne".
Lundi soir, son collègue de l'Intérieur Gérald Darmanin avait annoncé avoir demandé au préfet de Seine-Saint-Denis de fermer la mosquée de Pantin, qui avait notamment relayé sur sa page Facebook une des vidéos dénonçant le cours sur les caricatures de Samuel Paty. La fermeture de la mosquée sera effective mercredi soir, a-t-on appris mardi matin dans l'entourage du ministre.
M. Darmanin a précisé que 51 associations proches de l'"islamisme radical" étaient dans le collimateur des autorités et annoncé que plusieurs d'entre elles seraient dissoutes en Conseil des ministres, citant nommément le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) et l'association humanitaire BarakaCity, deux associations de défense et d'aide des musulmans.
"Faute de ne rien trouver contre notre ONG", le ministre de l'Intérieur "profite de l'émotion suscitée suite au drame de Conflans", a dénoncé BarakaCity, ajoutant qu'elle contesterait toute dissolution en justice. Le CCIF, qui comme BarakCity nie tout penchant extrémiste, dément lui fermement avoir relayé des messages sur M. Paty qui ont circulé avant son assassinat.
A Conflans-Sainte-Honorine, où parents, élus ou simples citoyens viennent spontanément depuis samedi rendre hommage à l'enseignant en déposant fleurs ou messages devant l'établissement scolaire, des imams ont exprimé leur "colère" et leur "honte" devant le collège lundi. Il est "très important de venir ici pour montrer notre chagrin, montrer que ce qui s'est passé ici n'est pas l'islam. C'est le fait de voyous qui n'ont rien à voir avec l'islam", a déclaré Kemadou Gassama, imam à Paris.
Dimanche, des dizaines de milliers de personnes s'étaient déjà rassemblées partout en France pour défendre la liberté d'expression et dire non à "l'obscurantisme".AFP