La dirigeante d'extrême droite française Marine Le Pen, ainsi que son parti, le Rassemblement National, et 24 autres personnes, ont comparu lundi devant la justice, accusés de détournement
de fonds du Parlement européen. Ce procès pourrait potentiellement compromettre les ambitions politiques de Le Pen alors qu'elle se prépare pour l'élection présidentielle de 2027.
En arrivant au tribunal à Paris, Le Pen a fermement nié toute infraction, déclarant : « Nous n'avons enfreint aucune règle politique ou réglementaire du Parlement européen » et a promis de présenter des arguments « extrêmement sérieux et solides » pour sa défense.
Le procès, qui devrait durer neuf semaines, est scruté de près par les rivaux politiques de Le Pen. En tant que principale candidate pour succéder à Emmanuel Macron, un verdict défavorable pourrait sérieusement compromettre ses chances. Certains analystes estiment que ce procès pourrait empêcher les députés du Rassemblement National, dont Le Pen, de se concentrer pleinement sur leur rôle d'opposition au Parlement, étant absorbés par la défense du parti.
Le Pen, qui a quitté la présidence du parti en 2021, a travaillé à se présenter comme une candidate mainstream capable de séduire un électorat plus large, une stratégie qui a apporté des succès électoraux à son parti. Cependant, une condamnation pourrait gravement nuire à sa candidature à la présidence, qu'elle a déjà perdue face à Macron en 2017 et 2022.
Le Rassemblement National, autrefois appelé Front National, et ses dirigeants sont accusés d'avoir détourné des fonds européens destinés aux assistants parlementaires entre 2004 et 2016. Ces fonds auraient été utilisés pour rémunérer des employés travaillant en réalité pour le parti, en violation des règlements de l'Union européenne. Le Pen conteste ces accusations, affirmant que l'affaire est motivée politiquement, et défend le fait que les rôles des assistants parlementaires sont intrinsèquement politiques.
Si elle est reconnue coupable, Le Pen et les autres prévenus risquent jusqu'à 10 ans de prison et une amende pouvant atteindre 1 million d'euros. Des sanctions supplémentaires, telles que l'inéligibilité à des fonctions publiques, pourraient également être imposées, mettant encore plus en péril son avenir politique.
L'affaire a pris naissance en 2015, lorsque le président du Parlement européen de l'époque, Martin Schulz, a alerté les autorités françaises sur l'usage frauduleux possible de fonds européens par des membres du Front National. Une enquête ultérieure menée par l'Office européen de lutte antifraude a révélé des preuves de détournement systématique de fonds, avec certains assistants parlementaires travaillant prétendument pour des responsables du parti en France plutôt que dans leurs fonctions officielles au sein de l'UE.
Les enquêteurs ont conclu que Le Pen, en tant que dirigeante du parti, avait dirigé l'allocation des fonds européens vers des employés du parti sous le couvert de postes d'assistants parlementaires. Le Parlement européen réclame 2,7 millions d'euros en compensation pour les dommages financiers et de réputation, moins le million d'euros déjà remboursé par le parti, dont 330 000 euros directement liés à l'utilisation présumée abusive de fonds par Le Pen.
Bien que Le Pen nie toute malversation, l'affaire met en lumière des irrégularités financières au sein du parti à une période de gains électoraux significatifs. Lors des élections européennes de 2014, le Front National a remporté 24 sièges, obtenant 24,8 % des voix. Malgré des difficultés financières, le parti a réussi à maintenir des réserves de trésorerie et à soutenir financièrement la campagne présidentielle de Le Pen en 2017.
L'enquête a également révélé des anomalies impliquant des membres clés du parti, notamment Jean-Marie Le Pen, le père de Marine Le Pen, qui a dirigé le parti jusqu'en 2011. Son garde du corps de longue date, Thierry Légier, était inscrit comme assistant parlementaire, bien que Légier ait admis ne jamais avoir exercé ces fonctions. Jean-Marie Le Pen, aujourd'hui âgé de 96 ans et exempté de témoigner pour des raisons de santé, a nié toute malversation.
Alors que le procès se déroule, son issue pourrait avoir des répercussions durables non seulement pour Marine Le Pen, mais aussi pour l'avenir du Rassemblement National et son rôle dans la politique française.