Reporters sans frontières (RSF) a exprimé une profonde inquiétude après que deux journalistes français, Clément Girardot et Jérôme Chobeau, se soient vus refuser l'entrée en Géorgie sans
explication. L'organisation internationale de défense de la liberté de la presse considère cette décision comme faisant partie d’un schéma plus large de répression du journalisme indépendant dans un contexte de troubles politiques persistants dans le pays.
Détention et expulsion injustifiées
Le photojournaliste Jérôme Chobeau a été détenu le 30 mars à l’aéroport international de Tbilissi. Selon RSF, Chobeau a été retenu pendant plusieurs heures sans accès à son téléphone ni à ses bagages. Les autorités lui ont ordonné de payer deux amendes en espèces non spécifiées, pour un montant total de 10 000 laris géorgiens (environ 3 600 USD), avant de le renvoyer hors du pays. Aucun avis officiel d’expulsion ne lui a été remis.
Chobeau venait de revenir en Géorgie après avoir passé deux mois à documenter des manifestations nationales. De retour en France, il a engagé des poursuites judiciaires contre les autorités géorgiennes.
Clément Girardot également refoulé
Un sort similaire a été réservé à Clément Girardot, un journaliste qui couvre la Géorgie depuis plus de dix ans et collabore avec de grands médias internationaux tels que Le Monde, Society et Al Jazeera. Girardot, résident géorgien marié à une citoyenne géorgienne, s’est vu refuser l’entrée le 12 février à son retour de France. Après une longue attente à la frontière, il a été expulsé sans la moindre explication.
« Je couvre la Géorgie depuis 2012 », a déclaré Girardot. « J’ai toujours été bien accueilli par sa population. Récemment, mes reportages se sont concentrés sur les victimes de la répression. Je pense que le gouvernement du Rêve géorgien m’a interdit l’entrée pour cacher ses ambitions autoritaires. Mais même à distance, je continuerai à rendre compte des luttes et de la résilience du peuple géorgien. »
Malgré les efforts de l’ambassade de France et des représentants légaux, les autorités géorgiennes sont restées silencieuses. Le premier recours légal de Girardot a été rejeté, et une audience est prévue pour le 23 juin.
Inquiétudes plus larges concernant la liberté de la presse
Jean Cavalié, directeur de RSF pour l’Europe de l’Est et l’Asie centrale, a décrit ces cas comme faisant partie d’une tendance inquiétante visant à intimider les journalistes indépendants — notamment ceux qui couvrent les manifestations survenues après les élections parlementaires contestées d’octobre 2024.
Cavalié a appelé le gouvernement du Rêve géorgien à respecter la liberté de la presse et a exhorté la France et l’Union européenne à renforcer la pression diplomatique sur Tbilissi.
Un schéma d’interdictions d’entrée arbitraires
Ces incidents ne sont pas isolés. Ces dernières années, de nombreux ressortissants étrangers — dont beaucoup sont des résidents de longue date en Géorgie ou des critiques assumés des régimes autoritaires — se sont vus refuser l’entrée sans explication.
Le 3 février 2025, le théologien orthodoxe russe et critique virulent du Patriarcat de Moscou, Andreï Kouraïev, s’est vu interdire l’accès. D’autres militants russes, dont l’activiste pro-Ukraine Igor Miglan et le partisan de Boris Nadejdine, Maxim Ivantsov, ont subi le même sort.
Le cas le plus marquant s’est produit le 20 mars 2025, lorsque la militante lituanienne des droits humains, Regina Yegorova-Askerova, a été refoulée malgré ses 15 années de résidence en Géorgie. Son mari et ses enfants sont citoyens géorgiens.
RSF et d’autres organisations de défense des droits humains alertent sur le fait que ces refus arbitraires reflètent une répression croissante de la dissidence et de la liberté d’expression à l’intérieur des frontières géorgiennes. Foto-Reporters Without Borders, Wikimedia commons.