Le président Emmanuel Macron cherche à renforcer le budget de la défense de la France face aux préoccupations croissantes concernant la sécurité européenne, notamment alors que les
États-Unis laissent entrevoir un possible changement dans leurs engagements. Cependant, financer cette expansion tout en maîtrisant un déficit obstinément élevé représente un défi majeur.
La France, qui affiche l’un des plus importants déficits budgétaires de l’Union européenne, subit une pression croissante pour réduire ses dépenses globales. Son budget 2025 n’a été approuvé que le mois dernier après de longs débats dans un parlement profondément divisé. Désormais, de nouvelles inquiétudes géopolitiques — alimentées par les ouvertures du président américain Donald Trump envers la Russie et un gel temporaire de l’aide militaire à l’Ukraine — risquent d’ajouter une pression supplémentaire sur la politique budgétaire française.
"La France se dirige vers des arbitrages budgétaires difficiles afin de concilier l’engagement du gouvernement à réduire les déficits tout en augmentant les dépenses de défense", a noté Scope Ratings dans un rapport d’analyse.
Un effort plus large pour renforcer les capacités militaires
La France n’est pas seule à repenser ses priorités financières pour renforcer ses capacités militaires. En Allemagne, les partis de la coalition ont récemment convenu d’une refonte majeure de la dette pour permettre d’importants investissements dans la défense et les infrastructures. Pendant ce temps, la Commission européenne a proposé d’emprunter jusqu’à 150 milliards d’euros pour soutenir les nations de l’UE dans le cadre d’une nouvelle initiative de réarmement. De l’autre côté de la Manche, le Premier ministre britannique Keir Starmer s’est engagé à augmenter les dépenses de défense à 2,5 % du PIB d’ici 2027, avec un objectif à long terme de 3 %.
"Aller plus vite et plus fort"
Macron, qui prévoit de s’adresser à la nation mercredi en pleine "période de grande incertitude", a récemment déclaré au Figaro que les pays européens devraient viser des budgets de défense "d’environ 3 à 3,5 % du PIB", bien au-delà de l’objectif actuel de 2 % de l’OTAN.
La France prévoit déjà d’augmenter son budget militaire de 3 milliards d’euros (3,15 milliards de dollars) par an jusqu’en 2030 dans le cadre d’une loi de programmation militaire à long terme. Cependant, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a indiqué que ces plans pourraient devoir être révisés en raison de l’évolution des menaces géopolitiques.
Bien que la France respecte l’exigence de dépenses de 2 % de l’OTAN, elle supporte des charges financières supplémentaires par rapport à d’autres membres. Le pays maintient une dissuasion nucléaire, un porte-avions et des programmes d’armement avancés, notamment le chasseur Rafale.
Augmenter les dépenses de défense à 3 % du PIB nécessiterait 30 milliards d’euros supplémentaires par an, selon des estimations de Reuters. Le ministre des Finances, Éric Lombard, a souligné l’urgence de la situation sur Franceinfo en déclarant : "Nous devons aller plus vite et plus fort", tout en assurant que les programmes sociaux ne seront pas sacrifiés pour financer ces hausses de dépenses militaires.
Macron a défendu la nécessité de faire des choix budgétaires difficiles, en établissant un parallèle avec les années 1960, lorsque le président Charles de Gaulle avait fait de la dissuasion nucléaire une priorité malgré des contraintes financières. "On aurait pu dire au général De Gaulle, à propos des milliards dépensés pour la dissuasion nucléaire : 'Pourquoi ne pas les utiliser pour le pouvoir d’achat des Français ?'", a-t-il déclaré.
Des obstacles politiques à venir
La plupart des partis politiques français, à l’exception de l’extrême gauche, soutiennent l’augmentation des dépenses de défense. Toutefois, il existe peu de consensus sur la manière de la financer, en particulier si cela implique des coupes budgétaires significatives dans d’autres domaines.
Ce défi est apparu clairement en décembre dernier lorsque les partis d’opposition ont évincé le Premier ministre conservateur Michel Barnier après qu’il a tenté d’imposer des mesures d’austérité visant à réduire le déficit—des initiatives qui ont suscité la méfiance des agences de notation et des inquiétudes quant à l’augmentation du coût du service de la dette.
Contrairement au Royaume-Uni, qui compense sa hausse des dépenses militaires en réduisant l’aide au développement, la France a déjà réduit ces dépenses de plus de 30 % dans son budget 2025, limitant ainsi ses marges de manœuvre.
Le ministre des Finances, Lombard, a exclu une hausse de l’impôt sur les sociétés pour financer l’augmentation du budget de la défense, mais a suggéré que les ménages les plus aisés pourraient contribuer davantage. Cette proposition rejoint les appels des partis de gauche, dont les socialistes, qui prônent un "patriotisme fiscal" pour soutenir la sécurité nationale.
Cependant, les contraintes budgétaires de la France restent un obstacle majeur. Le gouvernement travaille à réduire son déficit à 5,4 % du PIB, avec pour objectif d’atteindre la limite de 3 % imposée par l’UE d’ici 2029. Une proposition de la Commission européenne visant à exclure les dépenses de défense du calcul des déficits pourrait offrir un certain répit, mais cela ne réduirait pas pour autant la dette globale de la France.
"Nous sommes confrontés à des contraintes budgétaires", a admis Lombard. "Nous avons 3 300 milliards d’euros de dette, ce qui signifie que nous payons plus de 50 milliards d’euros par an en intérêts—soit à peu près l’équivalent de notre budget de la défense."
Alors que Macron tente de naviguer entre ces obstacles financiers et politiques, la question centrale demeure : comment concilier les ambitions en matière de sécurité nationale avec les réalités économiques ?