L'Etat français sera autorisé à monter à près de 30% du capital d'Air France-KLM après la validation mardi par Bruxelles d'un plan d'aide de 4 milliards d'euros au groupe aérien, durement
frappé par la crise du Covid-19. En contrepartie, "Air France s'est engagée à mettre à disposition des créneaux horaires à l'aéroport saturé de Paris Orly, où (elle) détient une puissance significative sur le marché. Ces dispositions donnent aux transporteurs concurrents la possibilité d'étendre leurs activités dans cet aéroport", a souligné la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager. Le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire a jugé cette cession de 18 créneaux, contre 24 réclamés initialement par la Commission, "tout a fait raisonnable et proportionné pour Air France", sur la radio France Inter.
La compagnie a précisé que ces créneaux représentaient 5,5% de ceux dont elle dispose dans l'aéroport au sud de la capitale. "Nous ne voulons pas qu'il y ait de dumping social, ou de dumping fiscal fait par des compagnies aériennes qui récupéreraient ces créneaux, parce que là du coup, ce serait vraiment de la concurrence injuste et de la concurrence qui pourrait fragiliser Air France", a toutefois prévenu le ministre. La recapitalisation d'Air France-KLM, dont l'Etat français ne détenait jusqu'à présent que 14,3%, prévoit "la conversion du prêt d'État de 3 milliards d'euros déjà accordé par la France en un instrument de capital hybride" (à mi-chemin entre une part du capital et un titre de dette NDLR) ainsi qu'une "injection de capital par l'État" via une augmentation de capital "ouverte aux actionnaires existants et au marché", dans la limite d'un milliard d'euros, a détaillé la Commission.
Le plan est assorti de limitations. L'injection de capital par l'Etat français "ne dépassera pas le minimum nécessaire pour garantir la viabilité d'Air France et de sa holding et pour rétablir la situation de fonds propres qui était la sienne avant la pandémie", a souligné l'exécutif européen. - "Accord équilibré" pour la direction - L'Etat devra aussi présenter un plan pour réduire à terme sa participatio au capital du fleuron aérien franco-néerlandais, dont les compagnies sont les porte-drapeaux de leurs pays dans le monde et constituent un atout stratégique en matière touristique et commerciale.
"Tant que la recapitalisation n'est pas remboursée à 100%, Air France et sa holding sont soumis à une interdiction de dividendes", a souligné la Commission. Le directeur général d'Air France-KLM a salué un "accord équilibré". Il représente une "très bonne nouvelle pour le groupe Air France car cette opération nous permet de stabiliser notre bilan dans le cadre de contreparties acceptables", a affirmé Benjamin Smith lors d'une téléconférence de presse. Parmi les plus gros actionnaires d'Air France-KLM, seuls l'Etat français et China Eastern, qui détient actuellement 8,8% des parts, participeront à l'augmentation de capital - la compagnie chinoise s'engageant à rester sous 10%.
Le groupe américain Delta Air Lines, actuellement actionnaire à la même hauteur que China Eastern, ne participera pas à l'opération car la réglementation américaine le lui interdit. Reste le cas de l'Etat néerlandais, qui possède 14% et ne participera pas non, mais mène séparément des négociations avec la Commission sur une aide à KLM. Sa participation sera donc logiquement réduite à l'issue de l'opération. M. Le Maire et son homologue néerlandais Wopke Hoekstra ont souligné dans un communiqué commun que leurs Etats voulaient "dimensionner [leur] aide au minimum requis et nécessaire, et n'envisage(aie)nt pas de nationaliser (tout ou partie) du groupe".
Les deux ministres ont dit faire confiance à la direction du groupe pour "rééquilibrer ses comptes". "La montée au capital c'est quelque chose d'indispensable, on ne pouvait pas continuer sur cette trajectoire", a salué le vice-président du syndicat SNPL Air France, Guillaume Schmid, se déclarant "globalement () satisfait" des déclarations de M. Le Maire. "L'Etat avait la capacité de nationaliser l'entreprise, ça aurait coûté moins cher. Le scandale c'est d'avoir cédé face à l'Union européenne", a dénoncé pour sa part le co-secrétaire général du syndicat CGT Air France, Vincent Salles. Malgré cet apport d'oxygène, l'activité d'Air France-KLM reste à la merci des aléas de la crise sanitaire: le groupe a annoncé mardi prévoir une perte d'exploitation de 1,3 milliard d'euros au premier trimestre 2021. Air France-KLM, qui est affecté comme l'ensemble du secteur aérien mondial, a assuré qu'il escomptait "toujours une reprise significative de la demande" à partir de l'été, misant donc sur la levée des restrictions aux voyages et la progression des campagnes de vaccination face à la flambée de l'épidémie dans certains pays. AFP