L'entrée en vigueur de la réforme controversée de l'assurance chômage sera liée à l'amélioration du marché du travail à partir d'indicateurs à préciser d'ici la mi-février, ont indiqué plusieurs
responsables syndicaux et patronaux lundi à l'issue de leurs rencontres avec la ministre du Travail, Elisabeth Borne.
"Le gouvernement ne veut pas renoncer à sa réforme mais a compris que ce n'était pas le moment. Il nous dit que la mise en œuvre, ce ne sera pas au 1er avril (comme prévu, NDLR), c'est certain, mais qu'il faut trouver les indicateurs pour la programmer quand ça ira mieux", a résumé Denis Gravouil pour la CGT, une des huit organisations syndicales et patronales reçues tout au long de la journée au ministère du Travail.
"L'idée est de définir des modalités d'entrée en vigueur pour arrêter avec les reports de trois mois en trois mois. Il reste un travail assez technique à effectuer sur les indicateurs à retenir: nombre de demandeurs d'emploi, offres d'emplois non pourvues, création d'emplois, etc", a expliqué Eric Chevée (CPME).
"Attention aux fausses bonnes idées. Ca va être le casse-tête de trouver les bons critères, le taux de chômage étant par exemple très hétérogène selon les régions", a prévenu Marylise Léon (CFDT) pour qui "il faut toujours regarder l’impact des règles sur les situations individuelles".
Le résultat de ce travail devrait être présenté aux partenaires sociaux lors d'une réunion multilatérale la deuxième ou troisième semaine de février.
Décidée en juillet 2019 par le gouvernement Philippe après l'échec d'une négociation sociale très encadrée par l'exécutif, la réforme visait alors à réaliser 1 à 1,3 milliard d'économies par an, notamment en durcissant les règles d'indemnisation et en taxant le recours abusif aux contrats courts.
La brutalité de la crise a contraint le gouvernement à suspendre son application et à proposer en novembre des aménagements sur les quatre grands paramètres: conditions d'ouverture des droits, mode de calcul de l'indemnisation, dégressivité de l'allocation et "bonus-malus" sur les cotisations des entreprises.
Cela n'a pas suffi pas à changer l'opposition des syndicats qui dénoncent unanimement "une baisse des droits des chômeurs".
L'exécutif est néanmoins déterminé à aller au bout car cela permettrait à Emmanuel Macron d'ajouter à son bilan la réalisation de cet engagement de campagne alors que la reprise de l'autre grande réforme sociale suspendue - celle des retraites - sera plus difficile.
- Quatre points contestés -
Sur les points controversés, l'exécutif a proposé de revenir sur le passage de 4 à 6 mois de travail pour ouvrir des droits, mais uniquement pour les moins de 26 ans. La dégressivité de l'allocation (pour les demandeurs d'emploi au salaire supérieur à 4.500 euros brut) interviendrait au bout de huit mois - au lieu de six dans le projet initial - et toucherait moins de chômeurs âgés.
Le point le plus contesté reste les nouvelles modalités de calcul de l'allocation, le coeur de la réforme, qui risque de pénaliser fortement, selon l'Unédic, les "permittents", souvent précaires qui alternent chômage et contrats courts.
Le gouvernement défend un enjeu "d'équité" et d'incitation à la reprise d'un emploi durable car le système actuel est plus favorable, pour le même nombre d'heures de travail, à celui qui alterne périodes de travail et chômage, qu'à celui qui travaille en continu.
Ce point a été annulé fin novembre par le Conseil d'Etat car il créait "une différence de traitement manifestement disproportionnée" entre allocataires. Pour y remédier, Mme Borne travaille sur un plancher garantissant une rémunération minimale aux demandeurs d'emploi.
Si le patronat soutient la réforme de l'indemnisation, il continue de contester l'instauration "absurde" d'un bonus-malus sur la cotisation d'assurance chômage dans sept secteurs grands consommateurs de CDD courts (hébergement-restauration, agroalimentaire, transports, plasturgie).
"Nous nous sommes accordés avec le gouvernement sur le fait qu'il n'était pas envisageable de l'appliquer à des secteurs particulièrement impactés comme l'hôtellerie-restauration", a dit M. Chevée.
Le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, plaide pour que l'année de référence (pour compter le nombre de fins de contrats donnant lieu à inscription à Pôle emploi) "soit 2022, ce qui mettrait la réforme en place en 2023" mais le gouvernement ne veut pas qu'elle soit trop décalée de la mise en place des nouvelles règles d'indemnisation au nom de "l'équilibre de la réforme".
"Il n'est pas question qu'il y ait des baisses de droits des demandeurs d’emploi maintenant et un bonus-malus futur ou potentiel" , prévient Mme Léon (CFDT). AFP