Première rétrospective Chanel, exploration de la facette méconnue de Man Ray photographe pour les couturiers, histoire des pierres précieuses en pleine pandémie, les Français se délectent de
mode dans les musées.
"Il y a une appétence pour les valeurs culturelles () et les expos de mode sont très accessibles", explique à l'AFP l'historien de la mode Olivier Saillard.
Depuis fin septembre il présente le deuxième volet de l'exposition faisant dialoguer les créations d'Azzedine Alaïa et Christobal Balenciaga. Comme plusieurs autres, cette exposition à la fondation Alaïa à Paris a été inaugurée autour de la Fashion week parisienne, désormais en grande partie virtuelle.
- Deux semaines d'attente -
Les restrictions Covid se sont encore durcies depuis, mais il y a deux semaines d'attente avant de réserver en ligne pour l'exposition Chanel au palais Galliera.
"Nous avons une relations très intime avec la mode, on s'exprime à travers nos vêtements. Dans les expositions de mode, on a une expression visuelle qui n'intimide pas les gens, ils se sentent à l'aise, libres de donner leur opinion", souligne Miren Arzalluz, directrice du palais Galliera.
De la marinière en jersey de 1916 au tailleur des années 60 en passant par la petite robe noire, le parfum N5 et des bijoux opulents: les visiteurs masqués découvrent en vrai "le style Chanel" dont tout le monde a entendu parler.
Au musée des tissus à Lyon, l'affluence est moindre pour l'exposition consacrée à la Britannique subversive Vivienne Westwood, inaugurée en pleine épidémie, que pour la précédente sur la collaboration d'Yves Saint Laurent avec les soyeux lyonnais qui avait accueilli 80.000 visiteurs avant la crise sanitaire.
"Les gens sortent moins, on n'a pas de touristes", explique à l'AFP Esclarmonde Monteil, directrice du musée. Mais vu le contexte, les chiffres ne sont toutefois pas si mauvais avec 350-500 visiteurs par jour pour Westwood contre 700-800 pour Saint Laurent.
Avec ces deux expositions, la mode est entrée dans le plus grand musée des tissus au monde, rénové et modernisé.
- "Emerveiller pour instruire" -
"La mode n'existe pas toute seule, on sent les échos entre la mode, les arts décoratifs, c'est intéressant pour nous, cela fait découvrir d'autres disciplines aux visiteurs qui viennent pour la mode", souligne Mme Monteil.
Le Muséum d'histoire naturelle à Paris "émerveille pour instruire" dans l'univers des pierres précieuses qui marie géologie et créations joaillières de la Maison Van Cleef & Arpels.
"Les pierres précieuses sont des éléments inertes qui arrivent à capturer la beauté éphémère et fragile de la nature. Elles jouent avec la lumière et donnent une impression de vie", avance Nicolas Bos, président de Van Cleef & Arpels.
Le musée du Luxembourg à Paris tente aussi le pari de la mode en présentant l'artiste américain Man Ray sous un angle méconnu de photographe de mode, montrant comment son esthétique avant-gardiste a pu se diffuser avec des clichés initialement pris pour la publicité d'un mascara.
Avant cela, "ici on n'a jamais eu la mode dans le titre d'une exposition", souligne Alain Sayag, commissaire scientifique de l'exposition "Man Ray et la mode". "C'est un choix délibéré, on fait entrer la mode par le biais d'un artiste connu" dans un musée habitué aux "expositions patrimoniales et de peinture".
- Déclin des magazines -
Selon Esclarmonde Monteil, depuis 10-15 ans "on a arrêté de considérer la mode comme quelque chose de futile et d'éphémère. Elle s'inscrit dans une évolution artistique et n'est pas si éphémère que cela, on voit le retour des formes, des styles".
Une veste cintrée Westwood à manches "assiettes" s'expose à côté du pourpoint de Charles de Blois du XIVe siècle, un chef-d'oeuvre du musée lyonnais, coupé de la même façon.
Pour Olivier Saillard, le succès des expositions de mode est aussi lié "au déclin des magazines et de la mode à la télévision". AFP