Les opposants à la réforme des retraites ont peiné à rassembler jeudi en période de vacances scolaires, lors d'une dixième journée interprofessionnelle d'actions
organisée en plein examen chahuté du projet de loi à l'Assemblée, avec 92.000 manifestants dans toute la France selon le ministère de l'Intérieur, contre 121.000 précédemment.
A Paris, ils étaient 7.800 selon le ministère, 50.000 selon la CGT, contre respectivement 15.000 et 130.000 le 6 février.
Parmi les banderoles et pancartes brandies dans la capitale, on pouvait lire: "Battez en retraite!", "Retraites à points, travail sans fin" ou encore "Ce pouvoir est en-dessous de tout, même de la ceinture".
En régions, les préfectures ont compté 4.500 manifestants à Lyon, 2.700 à Toulouse, 2.200 au Havre, 2.000 à Clermont-Ferrand, 1.750 à Nantes, 1.500 à Rennes, 1.200 à Montpellier, 550 à Brest ou encore 500 à Quimper et Béziers, à l'appel de l'intersyndicale (CGT, FO, Solidaires, FSU, organisations de jeunesse et étudiantes) qui mène la fronde depuis deux mois et demi.
Lâcher ? "Ah non, ce n'est pas à l'ordre du jour", a martelé le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez dans le cortège parisien.
Alors que la discussion parlementaire a débuté lundi, "c'est grâce à la mobilisation qui dure depuis le 5 décembre qu'il y a un tel débat à l'Assemblée nationale", a fait valoir le leader de la CGT.
L'intersyndicale tenait une réunion en début de soirée pour décider de la suite de mouvement, mais d'ores et déjà, la CGT a annoncé dans un communiqué une "grande journée d'action" le 27 février "afin de revendiquer l'arrêt de toutes les formes de répression syndicale et de discrimination".
- "Qui ne dit rien consent" -
"Je pourrais me dire que je ne suis pas concerné mais je pense à mes enfants et à mes petits-enfants. La solidarité intergénérationelle est importante", a témoigné Jean-Claude, un retraité rencontré dans le défilé parisien.
A Toulouse, où défilait le numéro un de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon, Nathalie Del Vecchio, enseignante-chercheuse de 43 ans qui manifestait pour la première fois, avec sa fille de 13 ans, juge "important que nos enfants prennent conscience qu'on a un très beau système, que tout le monde envie, mais que c'est fragile".
"Le gouvernement reste sourd au mal-être de la population, c'est un grand recul social ce qu'il est en train de nous faire, et j'ai peur qu'après les retraites, il s'en prenne à la maladie, aux services publics, à la solidarité", s'inquiétait dans la manifestation lilloise Nathalie Delzongle, aide-soignante à domicile de 53 ans.
A Mulhouse, des avocats ont mis en vente leur robe sur le site de petites annonces "Le Bon Coin". Fortement mobilisés contre la réforme instituant un régime de retraite universel, les avocats craignent que la disparition de leur régime autonome entraîne un doublement de leurs cotisations.
Pendant ce temps, chaque camp affirme ses positions dans la conférence de financement des retraites, qui doit fournir fin avril des propositions pour ramener à l'équilibre le système de retraite en 2027.
Selon Yves Veyrier, le numéro un de FO, on va droit à un "naufrage". La discorde porte sur le montant du déficit évoqué dans les documents envoyés cette semaine par les animateurs de la conférence, selon lesquels, si rien n'est fait, le déficit cumulé entre 2018 et 2030 pourrait atteindre 113 milliards d'euros. La CGT a menacé mercredi de claquer la porte.
- "Votre réforme ne passe pas" -
Les syndicats opposés à la réforme travaillent à une autre conférence avec notamment Solidaires et la FSU qui n'ont pas été conviés par le gouvernement.
A l'Assemblée nationale où les députés doivent éplucher quelque 41.000 amendements, les discussions ont démarré lundi dans une ambiance électrique. Dès mercredi, l'examen a viré au blocage.
"Je crois que vous devriez ouvrir les yeux sur la réalité de cette contestation qui est profonde dans tout le pays, signe que votre réforme ne passe pas", a lancé au gouvernement le député communiste Pierre Dharréville.
Côté grève, le temps est à l'accalmie. Selon le gouvernement, le taux de grévistes était de 0,95% dans la fonction publique d'État (0,06% dans l'éducation), jeudi à la mi-journée.
Peu de perturbations notables dans les transports avec un trafic "normal" à la RATP et quasiment aucun impact à la SNCF, hormis en Auvergne-Rhône-Alpes.AFP, photo - Richard Ying et Tangui Morlier, wikimedia.