Les Vingt-Sept examinent, mercredi, le projet de plafonnement de certaines importations agricoles en provenance de l'Ukraine. Celui-ci est jugé insuffisant par une partie des États, dont la
France, qui souhaitent étendre ces restrictions au blé et à l'orge - une revendication des agriculteurs européens.
Le dossier sera discuté lors d'une réunion des ambassadeurs des États membres. "Il n'y a pas d'accord" sur l'inclusion du blé, a reconnu mardi le ministre belge de l'Agriculture, David Clarinval, en marge d'une réunion avec ses homologues européens.
"Nous sommes suffisamment de pays pour avoir une minorité de blocage, pour demander l'évolution" du texte, a averti le ministre français de l'Agriculture, Marc Fesneau.
C'est un motif de colère agricole : l'UE accorde depuis 2022 à Kiev une exemption de droits de douane pour soutenir le pays face à l'invasion russe. Les agriculteurs européens accusent l'afflux de produits ukrainiens de plomber les prix locaux et de relever d'une concurrence "déloyale", faute de satisfaire aux mêmes normes.
Négociateurs des États et eurodéputés se sont accordés le 20 mars pour reconduire l'exemption douanière pour un an, à partir de juin, mais en plafonnant les importations de volailles, œufs, sucre, maïs et avoine aux volumes importés en 2022-2023, au-dessus desquels des tarifs seraient réimposés.
Ce mécanisme n'inclut pas le blé tendre et l'orge, comme le réclamaient les eurodéputés et les organisations agricoles, mais aussi plusieurs États - France et Pologne en tête.
"On a une déstabilisation des marchés des céréales", en raison de "la stratégie russe d'empêcher l'Ukraine d'aller sur ses marchés traditionnels" en Afrique et au Moyen-Orient, argumente Marc Fesneau.
"Les routes maritimes via la mer Noire fonctionnent à nouveau, les produits ukrainiens vont retrouver leurs marchés", abonde son homologue hongrois Istvan Nagy. "Sans l'inclusion du blé, (l'accord) est inacceptable" pour Budapest, prévient-il.
Paris défend également l'élargissement à 2021 de la période de référence du plafonnement, faisant valoir que les volumes de 2022-2023 correspondent à des importations déjà massives.
Berlin appelle à "ne pas reprendre la propagande russe" "Nos propositions sont équilibrées, j'ai bon espoir que nous trouvions un terrain d'entente", estime Marc Fesneau, soucieux d'éviter des déséquilibres agricoles qui éroderaient "le soutien de l'opinion" à l'Ukraine.
À l'inverse, Berlin se dit hostile à toute révision. "Un compromis a été négocié, il faut s'y tenir !", s'est énervé le ministre allemand de l'Agriculture, Cem Özdemir. "Beaucoup ne comprennent pas que la défense de l'Ukraine, et donc notre défense à tous, ne consiste pas seulement à fournir des munitions, mais aussi à ne pas reprendre la propagande russe selon laquelle la baisse problématique des prix des céréales serait due aux livraisons ukrainiennes. Il n'y a aucune preuve de cela !"
Kiev ne cache pas son incompréhension. "Nous sommes déçus. L'Ukraine a comblé un déficit de sucre dans l'UE", empêchant les prix de s'envoler trop, et lui "fournit environ 1 % de sa consommation totale d'œufs, 2 % de sa consommation de volaille : ce que pourraient facilement consommer les réfugiés ukrainiens", a expliqué à l'AFP le ministre ukrainien de l'Agriculture, Mykola Solsky.
Les restrictions européennes n'influenceront guère les cours du blé "fixés à Chicago", plombés par d'abondantes récoltes brésiliennes, argentines et américaines, a-t-il ajouté. Foto-UP9, Wikimedia commons.