Maux de tête, vertiges, mais aussi problèmes neurologiques persistants dans les cas les plus graves: il est dangereux d'inhaler du protoxyde d'azote, le gaz des siphons à chantilly utilisé comme
une drogue euphorisante, alerte jeudi un rapport de l'agence sanitaire Anses.
"Ce qu'on est en train d'observer est assez inquiétant: les jeunes ont sûrement la sensation de ne pas être en danger en consommant ce gaz, alors que c'est exactement le message contraire qu'il faut faire passer", explique à l'AFP la toxicologue Cécilia Solal, coordinatrice du rapport.
Vous avez peut-être déjà remarqué ces petites cartouches métalliques vides jetées dans le caniveau: elles contenaient du protoxyde d'azote, normalement utilisé comme gaz propulseur dans les siphons de cuisine.
Mais c'est un usage détourné qui les rend de plus en plus populaires chez les jeunes. Vidé dans un ballon de baudruche puis inhalé, le protoxyde d'azote, surnommé "gaz hilarant" ou "proto", a des effets euphorisants rapides.
"C'est une défonce facile, pas chère, ça dure 30 secondes et les jeunes n'ont pas l'impression qu'à terme il pourrait y avoir des atteintes neurologiques persistantes", selon Cécilia Solal.
Ce gaz lui-même n'est pas nouveau - il est employé en médecine pour ses propriétés antidouleur -, pas plus que son utilisation comme drogue.
Toutefois, cet usage détourné s'est "énormément développé" ces dernières années, pour aboutir "à une consommation de masse grand public", selon Cécilia Solal. "Ça coïncide avec la mise sur le marché de ces petites cartouches pour siphon à chantilly qui reflètent la mode de faire la cuisine comme les chefs".
Cet usage détourné est boosté par les réseaux sociaux. En mai, le joueur de foot Alexandre Lacazette (Arsenal) avait été épinglé par la presse anglaise, selon laquelle il s'était filmé en train d'inhaler du "proto".
"On a cette image très rassurante d'un gaz qui fait rire, () on gonfle un ballon, ça a un côté bon enfant", déplore Cécilia Solal.
L'étude de l'Anses est basée sur les données des Centres antipoison français. Entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2019, 66 intoxications au protoxyde d'azote ont été enregistrées. Il s'agissait en majorité de jeunes hommes et plus de la moitié avait entre 20 et 25 ans.
- Interdit aux mineurs? -
Sur les 66 cas, 42 présentaient "au moins un symptôme neurologique ou neuromusculaire" (tremblements, fourmillements, contractions involontaires).
Cinq personnes ont eu "des symptômes de gravité forte", dont des convulsions. L'une "a présenté un arrêt cardio-respiratoire avec découverte d'une pathologie cardiaque lors de son hospitalisation".
Constat inquiétant: ces symptômes neurologiques peuvent persister même quand ces personnes ont arrêté de prendre du protoxyde d'azote.
"C'est un effet très inquiétant qu'on n'avait pas vu jusqu'alors, et c'est un problème de santé publique: on n'a pas assez de recul pour savoir si ces atteintes vont disparaître", insiste Cécilia Solal.
Les cas les plus graves pourraient être liés à une grosse consommation sur une période de quelques mois, ce qui bat en brèche l'idée d'une utilisation uniquement festive, en soirée: "On a eu des cas de personnes qui consommaient plusieurs centaines de cartouches par jour, toutes seules chez elles."
Au-delà des cas les plus sévères, le "proto" peut provoquer "des symptômes plus généraux", comme des étourdissements.
Toutes ces raisons poussent l'Anses à souligner "le besoin de réglementer l'accès et l'étiquetage du protoxyde d'azote pour son usage alimentaire", alors que le médical est déjà strictement encadré.
"On a affaire à un produit en vente libre, qu'on peut acheter en supermarché ou sur internet, donc les personnes n'ont pas l'impression d'avoir acheté une +drogue+ interdite", relève la toxicologue.afp
"Les autorités en appellent à la responsabilité de ceux qui participent à promouvoir cette pratique d'usage détourné notamment dans un intérêt lucratif (cartouches et ballons, cartouches et crackers)", a de son côté indiqué jeudi la Direction générale de la santé (DGS) dans un communiqué commun avec l'Anses et l'Agence du médicament (ANSM).