La vaccination contre le Covid-19 à l'origine de variants plus dangereux? Réfutée par les immunologues, cette théorie d'une "bombe à retardement bactériologique" enclenchée par les vaccins
se propage sur les réseaux sociaux, au risque d'alimenter la défiance. Ce nouvel angle d'attaque anti-vaccins, déployé sur des sites et comptes conspirationnistes, joue sur plusieurs tableaux: il se pare d'un léger vernis scientifique et aiguise les peurs au moment où la vague épidémique repart en Europe sous l'effet du variant britannique. Comme souvent dans la "complosphère", cette désinformation prend des formes très diverses.
Partagées plus de 1.000 fois en quelques jours, certaines publications Facebook optent pour un style très direct: "Les personnes vaccinées sont des bombes bactériologiques à retardement ambulantes et une MENACE pour la société", clament-elles, le tout illustré par des bâtons de dynamite reliés à un système de détonation. "Ce sont les personnes vaccinées qui sont () les plus susceptibles d'infecter d'autres personnes avec des super-souches", soutient l'article auquel renvoient ces posts Facebook. D'autres publications fondées sur les déclarations d'une ancienne directrice de recherche à l'Inserm soutiennent, sans aucune preuve, que les vaccinés seraient "plus contagieux".
Dans un registre plus policé, une lettre d'un scientifique belge, Geert Vanden Bossche, s'est taillé un petit succès sur Facebook en avançant l'idée que la vaccination pourrait provoquer une "fuite immunitaire adaptative" massive qui finira par renforcer le virus. "Plus nous utiliserons ces vaccins pour immuniser les personnes en pleine pandémie, plus le virus sera infectieux", détaillait-il. Déjà accusés de provoquer des effets secondaires, les vaccins anti-Covid seraient donc pires que le mal, à en croire ces théories qui militent pour l'arrêt de la vaccination. - Un contresens - Ces publications reposent sur un contresens, selon plusieurs immunologues interrogés par l'AFP qui affirment que les vaccinations doivent, au contraire, être les plus rapides possibles pour limiter les risques de multiplications de variants potentiellement dangereux.
Le Sars-Cov-2, comme tout virus, mute continuellement car de petites erreurs de copie dans son code génétique se produisent à chaque fois qu'il se réplique pour se multiplier. Certaines de ces mutations seront sans effet majeur mais d'autres pourront le rendre plus infectieux, plus mortel ou plus résistant aux anticorps. Au terme de la sélection naturelle, ce sont les mutations les plus utiles à sa survie qui ont le plus de chances de prospérer. D'où le risque potentiel qu'il parvienne à se renforcer face aux anticorps, naturels comme vaccinaux. "Un des risques d'être un peu mou dans la vaccination est que les variants s'installent sur notre territoire", estimait récemment la virologue Stéphanie Haim-Boukobza.
"Plus la circulation (du virus, ndlr) est importante, plus vous laissez d'opportunités au virus de trouver des solutions face à un problème tel que la vaccination ou l'immunité", abonde l'épidémiologiste Pascal Crepey, estimant qu'il fallait laisser au virus "le moins de temps" possible. "Si vous mettez tous les jours une toute petite quantité d'insecticide sur une fourmilière, vous allez tuer quelques pourcentages des fourmis et ensuite, certaines fourmis vont devenir très résistantes à l'insecticide. Alors que si vous mettez une grosse quantité d'un coup, les mutants ne pourront jamais survivre", résume Michel Moutschen, professeur en immunopathologie. Selon ces spécialistes, c'est donc en laissant circuler librement le virus qu'on prend le plus de risques. "Si le virus a évolué et a eu, par hasard, une mutation qui lui permet de résister au système immunitaire, il va réussir à passer entre les mailles du filet. C'est un peu ce qu'on redoute: que les variants arrivent à passer à travers le filtre qu'exerce la vaccination", explique Vincent Maréchal, professeur de virologie à Sorbonne Université. Et si les vaccins peuvent ainsi laisser "passer des variants", cela ne veut pas du tout dire qu'ils en sont à l'origine, ajoute-t-il. Le variant britannique est d'ailleurs apparu environ deux mois avant le début de la campagne de vaccination au Royaume-Uni, début décembre. Quant à son cousin brésilien, il est né dans une région où le virus a circulé sans entraves. AFP