Face à la contestation au sein de la police de l’État de droit, un exécutif qui fait profil bas

 

Alors que le directeur général de la police a ouvertement contesté une décision de justice, le président de la République n’a pas souhaité, lundi, lui rappeler les principes de l’État de droit lors

de son interview télévisée. L’illustration d’un pouvoir politique maintes fois contesté qui a choisi le parti de l’ordre et qui hésite à entrer en conflit avec sa police.

Emmanuel Macron avec des membres de la police, le 25 juillet 2023, à Nouméa en Nouvelle-Calédonie. Emmanuel Macron avec des membres de la police, le 25 juillet 2023, à Nouméa en Nouvelle-Calédonie.

"Je ne vais pas commenter les propos du directeur général." Interrogé lors de son entretien télévisé, lundi 24 juillet, sur les propos du directeur général de la police nationale (DGPN) Frédéric Veaux, Emmanuel Macron a préféré botter en touche et offrir une réponse qu’il souhaitait équilibrée.

"Je comprends l’émotion qu’il y a aussi chez nos policiers qui ont eu le sentiment d’être confrontés à la violence la plus extrême et donc il faut entendre cette émotion, tout en faisant respecter l’État de droit pour tous", a poursuivi le chef de l’État, avant de conclure : "Nul en République n’est au-dessus de la loi."

Réagissant à l’incarcération d'un agent de la BAC de Marseille dans un entretien au Parisien publié dimanche soir, Frédéric Veaux a jugé qu'"avant un éventuel procès, un policier n'a pas sa place en prison, même s'il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail". "Le savoir en prison m'empêche de dormir", a-t-il ajouté.

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Un avis qui a suscité la polémique et a rapidement été dénoncé par la gauche et le monde judiciaire, qui attendaient un recadrage de l’Élysée. C’est au contraire un Emmanuel Macron décidé à se poser comme le président de "l’ordre, l’ordre, l’ordre" et visiblement peu enclin à critiquer le patron de la police qui est apparu au journal télévisé de 13 h de TF1 et France 2.

"Le président donne l’impression de ne pas connaître vraiment, ou au mieux de ne pas prendre la mesure de cette transgression sans précédent sous la Ve République. (…) Lorsqu’il dit ne pas vouloir commenter les propos du directeur général de la police nationale, cela interroge. (…) Cette phrase traduit sa faiblesse et sa fragilité politique. C’est comme s’il disait 'je ne suis pas le chef'", analyse Sebastian Roché, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de la police dans un entretien avec Mediapart.

Une contestation de l’État de droit qui gagne la hiérarchie Les attaques d’éléments de la police contre l’État de droit ne sont pas nouvelles. La manifestation du 19 mai 2021 organisée par plusieurs syndicats devant l’Assemblée nationale et lors de laquelle avait été scandé "le problème de la police, c’est la justice !" est encore dans toutes les mémoires. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et de nombreux responsables politiques, y compris de gauche, y avaient participé. "Si cette mobilisation s’avère efficace et très forte, les digues céderont, les digues, c’est-à-dire, les contraintes de la Constitution", avait alors déclaré François Bersani, responsable du syndicat Unité-SGP Police des Yvelines.

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Mais avec les déclarations de Frédéric Veaux, auxquelles le préfet de police de Paris Laurent Nuñez a apporté son soutien en affirmant sur Twitter "partage(r) les propos du DGPN", ce sont désormais les plus hauts responsables de la police qui contestent l’indépendance de la justice, sans que le pouvoir politique, qui a dû maintes fois recourir aux forces de l’ordre ces six dernières années (Gilets jaunes, réformes des retraites de 2019 et de 2023, affrontements à Sainte-Soline, émeutes urbaines), ne trouve quoi que ce soit à redire. Le ministre de l’Intérieur a même validé avant publication l’interview du patron de la police, selon les informations du Parisien. Foto-Rama, Wikimedia commons.